Lutte contre le narcotrafic : un nouveau projet de loi redondant ?

Le 05/02/2025 0

Le Sénat vient d’adopter un projet de loi visant à renforcer la lutte contre le narcotrafic. Parmi ses principales mesures figurent la création d’un parquet national anticriminalité organisée, des dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent, la saisie des avoirs criminels, une simplification de la procédure pénale et de nouveaux outils pour les enquêteurs.

La lutte contre le narcotrafic est primordiale face aux règlements de compte récurrents et des victimes collatérales, à la démultiplication des réseaux de trafics et des points de deal vers les petites villes et la ruralité, ainsi qu’à la diversification de la vente notamment par son ubérisation « ubershit », il apparait que les mesures présentées dans le projet de loi rappellent fortement celles instaurées en 2002 avec la création des Groupes de Recherche Interministériels (GIR).

En comparant les deux dispositifs, il apparaît que cette nouvelle loi ne constitue pas une véritable avancée mais plutôt une reformulation de mécanismes déjà existants.

Un même objectif : combattre le crime organisé

Les GIR, mis en place en 2002, avaient pour vocation de lutter contre la délinquance financière et le crime organisé en favorisant la coopération entre divers services de l’État : police, gendarmerie, douanes, administration fiscale et services judiciaires. L’objectif était de s’attaquer aux ressources financières des organisations criminelles et de démanteler leurs circuits économiques.

Le projet de loi actuel s’inscrit dans une logique similaire, cherchant à renforcer la lutte contre le narcotrafic en s’attaquant aux flux financiers et à la logistique des trafiquants. Il réaffirme la nécessité d’une coordination entre plusieurs services, mais sans proposer d’approche fondamentalement nouvelle.

Une redondance des dispositifs

La création du parquet national anticriminalité organisée est censé centraliser les poursuites contre les réseaux criminels. Or, les GIR avaient déjà pour mission d’améliorer la coopération entre les services d’investigation et de justice. De plus, les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), mises en place en 2004, remplissent déjà cette fonction. Ce parquet semble donc davantage être un changement institutionnel qu’une réelle nouveauté.

La lutte contre le blanchiment et saisie des avoirs criminels ont fait l’objet, depuis plus de vingt ans, de lois pour permettre aux enquêteurs de tracer et confisquer les biens acquis illégalement. Les GIR avaient déjà pour mission de s’attaquer aux finances des criminels, et des outils comme TRACFIN existent depuis longtemps pour surveiller les flux financiers suspects. Le projet de loi ne fait que renforcer des dispositifs déjà en place.

A propos de la simplification de la procédure pénale, il s’agit là encore d’un vieux serpent de mer bien connu des policiers qui, depuis des décennies, dénoncent une procédure chronophage qui handicape lourdement leur travail d’investigations sur le terrain. la procédure pénale a été réformée à plusieurs reprises depuis 2002 pour la rendre plus fluide, notamment avec la loi Perben II en 2004, d’autres réformes successives et plus récemment celle de la police judiciaire qui a généré un large mouvement de contestation policière. Et que dire de l'échec et de la gabegie financière des logiciels LRPPN et SCRIBE ?

Cette mesure présentée aujourd’hui comme un moyen d’accélérer les poursuites et d’améliorer l’efficacité judiciaire risque davantage d’affaiblir les garanties procédurales que d’améliorer réellement l’efficacité des poursuites.

Bien que le projet de loi mette en avant des moyens modernisés, les GIR avaient déjà introduit une approche pluridisciplinaire et des outils performants pour croiser les informations issues de différentes administrations.

Un effet d’annonce plutôt qu’une véritable avancée

Si ce projet de loi entend marquer un tournant dans la lutte contre le narcotrafic, il n’apporte en réalité aucun changement majeur par rapport aux dispositifs existants. Il reprend des mécanismes éprouvés sous une nouvelle appellation, sans remettre en cause les failles structurelles qui persistent depuis des années.

Aujourd’hui, la question est de se demander ce qui a été fait concrètement ces vingt dernières années. Aucun bilan ni résultat présenté. Les saisies d’avoir criminels et de biens mobiliers devaient renforcés les moyens des forces de sécurité. Où sont-ils passés ?

Plutôt que de multiplier les annonces et les structures, une véritable réforme devrait se concentrer sur l’amélioration des dispositifs existants, notamment en dotant les GIR de moyens humains et technologiques renforcés et en optimisant leur coordination avec les services judiciaires. Sans cela, ce projet de loi risque de n’être qu’un écran de fumée, destiné à donner l’illusion du changement sans réelle avancée concrète sur le terrain.

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